L’histoire et l’héritage de la Papeterie Pottin
Sur les traces d’une papeterie nantaise historique
La rue Santeuil est depuis bientôt 200 ans le lieu incontournable des amoureux de papier et d’articles d’organisation. L’emménagement de Foglietto au 6 Rue Santeuil fin 2022 n’est finalement pas un hasard : c’est en effet dans cette même rue que s’est développé un grand magasin d’étrennes, celui de Madame Pottin. La passion et l’institution que cette papetière a lancé seule au XIXème siècle perdure par le biais de l’ouverture du Palazzo.
Nous allons parcourir ici son étonnante histoire : avec des rebondissements incroyables, la vie de Madame Pottin et de sa papeterie fut marquante pour le commerce nantais !
Nous remercions Julien Lozelli, généalogiste nantais, qui a fait des recherches approfondies pour nous aider à mieux connaître l’histoire de cette femme, entrepreneuse moderne aux ambitions honorables. Nous le recommandons pour toute recherche ou tout questionnement sur votre famille : son expérience et son savoir-faire ne sont plus à prouver, vous pouvez donc lui faire confiance les yeux fermés ! Vous pouvez également jeter un œil à cet article de Stéphane Pajot, qui est paru en janvier dernier chez Ouest France.
Qui est Anne-Marie Pottin ?
Commençons par le commencement : de sa naissance à son mariage
Née Anne-Marie Lefèvre (parfois écrit Lefeuvre), le 31 juillet 1805 à Nantes, cette femme grandit dans une famille modeste. Son père est forgeron (Pierre Lefèvre) et sa mère est lingère (Anne-Marie Beitz). Elle est l’aînée d’une fratrie de cinq enfants.
Le 28 avril 1824, à l’âge de 19 ans, elle épouse Mathurin Aristide Pottin (qui peut aussi s’écrire Potin), qui quant à lui est âgé de 23 ans. Cet homme est un relieur qui travaille dans une échoppe qui se trouvait… Rue Santeuil !
📜 Anecdote ! Cette rue a été réalisée en 1782, et a porté quatre noms différents : Bouvet, Bertrand, Bertrand de Molleville, et enfin Santeuil, à savoir la rue où se trouve le Palazzo aujourd’hui. Pourquoi pas proposer un nouveau nom : la Rue Pottin ?
Ils ont eu trois enfants ensemble, mais seul l’aîné survit. Peu de temps après leur mariage et la naissance de leur fils, Mathurin Aristide est tué lors d’une contestation des journées révolutionnaires qui suivirent les événements des Trois Glorieuses. Notre chère Anne-Marie se fait alors appeler Madame Pottin, ou encore la Veuve Pottin.
Le début d’une histoire incroyable : la reprise d’une petite entreprise
Madame Pottin hérite ainsi de l’affaire de son défunt mari, à seulement 25 ans. Elle fait son entrée officielle dans le business du papier le 9 septembre 1930 avec un encart publié dans le presse “Feuille commerciale et maritime d’affiches, annonces judiciaires et avis divers”. Elle prend donc les rênes de l'affaire lancée par Mathurin Aristide, et développe cette petite entreprise de reliure en y apportant régulièrement des nouveautés (comme par exemple l’introduction de fournitures de bureau).
Elle ne semble pas avoir peur de prendre des initiatives, au contraire : elle est bien décidée à développer ce commerce. Et les affaires fonctionnent tellement bien qu’elle se voit dans l’obligation de déménager sa papeterie dans un local plus grand ! Néanmoins, elle n’a pas eu besoin de chercher bien loin : elle trouve un lieu idéal de l’autre côté de la rue, au 5 rue Santeuil. Le déménagement a lieu le 30 mai 1839, à peine dix ans après avoir repris le magasin. On peut donc parler d’une affaire florissante !
Étant une femme au XIXème siècle, être prise au sérieux en tant que commerçante et dirigeante de magasin d’étrennes fut difficile pour Anne-Marie Pottin. Mais elle n’était pas du genre à se laisser marcher dessus : elle fait une demande pour obtenir un brevet de libraire le 3 octobre 1943. Prouvant de cette manière qu’elle n’a besoin de personne pour gérer ses affaires, Madame Pottin l’obtiendra. Le maire de Nantes fit parvenir cette demande au Préfet de Loire Inférieure, en exposant le profil de Madame Pottin ainsi que ses intentions professionnelles.
"Mme Pottin, qui sollicite de M. le Ministre de l’Intérieur un brevet de libraire à la résidence de Nantes, mérite toute la bienveillance du gouvernement. Sa probité est irréprochable et elle est attachée de cœur à nos institutions pour lesquelles son mari a donné sa vie en juillet 1830. Je verrai donc avec satisfaction que sa demande pût être favorablement accueillie."
Lettre du maire de Nantes à destination du Préfet, le 23 octobre 1843.
Elle obtient, le 3 novembre 1843, son brevet de libraire, et prêta serment deux mois plus tard, confirmant ainsi qu’elle en est titulaire.
Le développement d’un commerce prospère !
Au cours des années qui suivent, nous pouvons retrouver de nombreuses factures ainsi que diverses publications de presse qui chantent ses louanges. Pourquoi s’arrêterait-elle en si bon chemin ? Portée par l’élan de sa réussite et de son ambition, Madame Pottin obtient, le 10 avril 1849, un brevet d’invention de dix ans pour un “perfectionnement à l’invention objet du brevet délivré au sieur Pellée le 23 juillet 1844”. Cet objet est en réalité du papier à dessin, connu sous l’appellation de son créateur “papier Pellée”, un papier dont la propriété serait “d’obtenir des effets en clair sans gouache”.
Quelques années après, plus précisément le 28 février 1852, elle obtient à nouveau un brevet de perfectionnement : celui de Mr Sy pour “un registre à bascule et dos à resorts”.
La réussite continue de se faire voir, car en décembre 1852 elle décide d’agrandir la surface commerciale du magasin du 5 rue Santeuil par l’ouverture du premier étage, ce qui lui permet d’approfondir son offre, d’entrer de nouveaux produits et de développer l’affaire.
Nous pourrions la décrire comme une grande femme d’affaire, mais surtout comme une entrepreneuse moderne pour son époque. Madame Pottin est animée pendant trente ans d’une volonté de faire progresser et de développer la papeterie dont elle a hérité de son défunt mari. Elle a su s’adapter aux progrès fulgurants de son époque : elle a diversifié son offre, elle a également suivi l’évolution de la presse et de la politique, mais est aussi restée attentive au développement de la lithographie et des inventions de ce siècle bouillonnant. On peut dire sans hésiter que Madame Pottin a laissé sa marque en initiant d’elle-même des perfectionnements de brevets dans son domaine.
Un siècle de prospérité : les différent·es héritier·ères
• Madame Pottin et fils : 1853 - 1859
Malheureusement, au sommet de sa renommée locale, Anne-Marie Pottin meurt subitement à l’âge de 47 ans, le 27 juillet 1853. C’est donc son fils unique Aristide qui reprend la gestion de la papeterie de feu son père et de feue sa mère, en assurant la continuité des brevets obtenus.
• Catherine Irma Blot : 1859 - 1864
Cependant, n’est pas entrepreneur qui veut : seulement trois ans après de décès de sa mère, Aristide vend le commerce à Madame Catherine Blot, femme d'un grand armateur nantais, approximativement entre 1856 et 1859.
Agée de 27 ans, Madame Blot développe un peu l’affaire en amenant quelques nouveautés et en continuant à faire paraître des articles et des encarts dans la presse pour en faire la publicité.
Le 17 février 1864, Madame Blot décède. L’affaire est cédée à sa mère, mais celle-ci est âgée et donc probablement incapable de gérer un commerce, certes florissant, seule. Elle met alors en vente la papeterie Pottin.
• Monsieur Reverdy et Monsieur Renimel : 1865 - 1883
Le 25 février 1865, une société constituée de deux associés, Monsieur Alexandre Mathurin Reverdy et Monsieur François Marie Renimel, achète l’affaire. Le premier obtient son brevet de libraire et le second était déjà papetier avant l’achat du commerce.
Cependant, le sort semble s’acharner sur les héritier·ères de la papeterie Pottin : la vente est remise en question suite au décès soudain de Monsieur Reverdy le 24 février 1882. C’est son épouse et le cousin germain de Monsieur Reverdy qui en héritent, et décident d’un commun accord de vendre l’affaire, le 3 mars 1883.
• Antoine Marie Georges Meynieu : 1883 - 1923
L’heureux acheteur est un commerçant en papeterie né à Bordeaux et installé sur le quai de la Fosse depuis quelques années.
📜 L’acte de vente précise que “le fonds de commerce consiste dans la clientèle et l’achalandage qui y sont attachés, les brevets, le matériel, tel que presses lithographiques, timbres, machines à régler, outillage spécial, installation du gaz, mobilier industriel, en un mot, tout ce qui est nécessaire à l’exploitation du dit fonds de commerce” et que les marchandises en magasin sont, entre autre, “des articles de papeterie et de librairie, des fournitures de bureau, objets de fantaisaies, gravures, etc”. On y apprend aussi que “les acquéreurs pourront conserver sur lenseigne, les en-têtes de lettres, les factures, mémoires, étiquettes et autre pièces de cette nature, le nom de ‘Ancienne maison Veuve Pottin’, mais que cette dénomination ne pourra jamais être adjointe à la signature commerciale de l’acquéreur ; celle-ci ne devant contenir que son nom privé”.
De cette manière, Monsieur Meynieu conserve le nom de Papeterie Pottin, gage de renommée commerciale et de succès, fidélisant ainsi la clientèle.
Il continue au fil du temps d’approfondir la gamme de l’offre, en apportant d’une part des articles modernes tout en conservant d’autre part tout ce que nous pourrions trouver dans une librairie-papeterie. Par exemple, il propose que soit représentée la plume électrique d’Edison au sein de son commerce en septembre 1888.
Le 24 juin 1891 marque un jour historique pour la Papeterie Pottin : le commerce déménage au 5 rue Boileau dans un magasin spacieux flambant neuf !
“L’éloge de cette maison, une des plus anciennes de notre ville, n’est d’ailleurs plus à faire.”
Le Phare de Loire, le 30 juillet 1904, à propos de la présence de Monsieur Meynieu à l’Exposition de la Persagotière, venu présenter ses articles qui font sensation.
📜 Anecdote ! La fille de Monsieur Meynieu, Yvonne Lucie Jeanne Meynieu, épouse en 1917 Léon Jost, qui était alors directeur de fabrication et chef du personnel à l’usine LU. De grands noms pour la ville de Nantes !
• Jean Etienne : 1923 - 1935
Les articles de presse élogieux s’enchaînent, ne cessant de faire une belle publicité de la papeterie : l’affaire est à son apogée. Mais la malédiction frappe à nouveau : Monsieur Meynieu décède le 1er septembre 1923 à la suite d’une fulgurante maladie. C’est son collaborateur, Jean Etienne, qui reprend seul la gestion du magasin, ce dernier approchant du centenaire de son existence.
Malheureusement, Monsieur Etienne a beaucoup de difficultés à faire tourner le commerce et commence à supprimer plusieurs articles de son offre, puis il est vite obligé de réduire la surface commerciale.
À la fin de l’année 1934, les nantais·es semblent bouder la papeterie où l’on y trouve désormais tout et n’importe quoi… C’est alors qu’il prend la décision d’une cessation de commerce, et brade l’entièreté du stock.
C’est début 1935, le 1er janvier précisément, que la Papeterie Pottin ferme définitivement ses portes, après 105 ans d’activité. C’est de cette manière que le nom de Pottin disparaît de la mémoire des nantais·es, et tombe peu à peu dans l’oubli.
Un héritage que Foglietto honore avec fierté !
Plus d’un siècle de rebondissements ont ainsi marqué l’histoire de cette grande institution nantaise. La fin de cette papeterie est certes tragique car elle n’a pas toujours été en de très bonnes mains. Cependant, son héritage est présent : Foglietto et son équipe 100 % féminine se portent garantes pour perpétuer cette passion et cet amour du papier. Et en 2023, nous avons la chance de pouvoir partager notre concept avec le monde entier, tout en ayant notre siège à Nantes.
📜 Résumé des événements qui ont marqué le développement de cette institution historique :
- 9 septembre 1830 - Reprise de l’entreprise de reliure par Anne-Marie Pottin après le décès de son époux.
- 30 mai 1839 - Déménagement du magasin d’étrennes dans un local plus spacieux, au 5 rue Santeuil.
- 3 novembre 1843 - Obtention de son brevet de libraire.
- 23 juillet 1844 - Obtention d’un brevet de perfectionnement.
- 28 février 1852 - Obtention d’un second brevet de perfectionnement.
- 18 décembre 1852 - Agrandissement de la papeterie.
- De 1853 à 1935 - Héritages divers et péripéties pour l’achat de la Papeterie Pottin après le décès d’Anne-Marie.
- 1er janvier 1935 - Fermeture définitive de la Papeterie Pottin.
Si vous voulez découvrir notre papeterie et discuter de cette incroyable histoire, nous vous donnons rendez-vous au Palazzo, 6 rue Santeuil, où nous vous attendons avec un café ! 🤗
Nous fêterons bientôt les 200 ans de la Papeterie Pottin !